lundi 1 février 2021

Août 1875 à Radonvilliers, quelques nouvelles rédigées par un instituteur

 

Radonvilliers, le 23 août 1875


Mon cher Ami,


Peut-être crois-tu que l’amour me fait oublier les camarades et les amis ; tu te trompes. Bien que je sois amoureux, car je le suis réellement, ton souvenir est encore présent à mon esprit ; je te vois souvent, très souvent même, sauf toutefois où je suis en tête à tête avec Mademoiselle, je te vois dis-je avec ta figure réjouie et ta petite moustache naissante.

Mais diras-tu pourquoi avoir attendu si longtemps à m’adresser une réponse à ma dernière lettre.

D’abord j’ai plusieurs excuses à te donner. Je ne voulais pas te répondre avant de savoir quel poste je devais occuper pour la rentrée fixée au 4 octobre. Jusqu’à présent, il n’y a encore rien de certain à ce sujet. Ensuite, et ma plus grande raison ; c’est que je n’ai pas eu le temps ; j’avais de l’ouvrage par-dessus les oreilles. La semaine dernière toute entière a été occupée en préparation pour la distribution des prix.

(Je viens de faire une petite halte et manger deux poires à ta tante, c’est pour toi que je le fais.)

Je continue mon épître ; le temps comme tu le vois m’a manqué ; je pense que tu me pardonneras facilement ce petit retard.

Aujourd’hui, le lendemain de la fête de ton cher pays, je me mets en devoir de te satisfaire et je suis persuadé que cette lettre te fera encore plus plaisir lorsque tu sauras que tes parents profitent de la circonstance pour t’envoyer 14 francs dont 2 francs de ta marraine Véronique. Ils ont attendu jusqu’à ce jour car ils espéraient un tant soit peu te revoir au milieu d’eux le jour de la fête. La Mère Hardy t’envoie 2 francs. Bois à sa santé.

Cependant tes parents me chargent de te dire : Ménage ton argent le plus possible et aie s’en bien soin. Je pense qu’il n’y a pas besoin de t’en dire plus long ; car tu sais aussi bien que moi que l’argent est difficile à amasser. Tache aussi de ne plus envoyer de lettres non affranchies à tes parents (c’est comme tu voudras).

La fête célébrée à Radonvilliers a été assez brillante. Grand bal, 7 ou 8 musiciens de Saint-Léger faisaient de la musique, il est vrai très peu harmonieuse et surtout point du tout en mesure. Mais du bruit et toujours du bruit, voilà ce qu’il faut aux jeunes cervelles. Il y avait en outre des chevaux de bois et de nombreuses boutiques, en somme, c’était assez animé.

Mon cher Ami, je t’ai dit que pendant qu’on fêtait à Radonvilliers, je travaillais à Dienville pour la distribution des prix et je n’ai pu être libre que le soir. Je suis arrivé à la fête sur les dix heures du soir. J’ai trouvé chez vous tout le monde réuni ; toi seul manquais à la fête. Inutile de dire si l’on parla beaucoup de toi. Je n’ai pas dansé, mon cher Ami ; et pour cause, les cors au pied me faisant horriblement souffrir. Mademoiselle Sidonie Thyébaut me recommande à toi pour lui donner des consolations que lui refuse en ce moment Messire Chandelier ; je crois qu’il la quitte provisoirement pour une demoiselle Violette. Espérons qu’il y reviendra. En attendant, mon cher Ami, fais tout ton possible pour calmer un peu la douleur sincère de cette pauvre demoiselle, elle t’envoie un tendre et doux baiser, en ce moment elle est un peu convalescente…

Pour quant à moi, je clos ma lettre en te donnant une vigoureuse poignée de main.

Ton ami, tout dévoué.

Hardy


Nouvelles locales : Les Pères Tabourin et Rousselot, Ernestine Coffinet ont abdiqué leur pipe et sont partis de compagnie retrouver le père éternel. Moi je me marie la semaine prochaine avec une demoiselle que je ne connais pas.

Je t’écrirai aussitôt que j’aurai reçu ma nomination, je suppose aller à La Chaise.


La maison est terminée, tout est rentré. Ton père te recevrait avec plaisir pour battre la récolte en compagnie. Les vignes sont très bien préparées, les raisins commencent à mèler et tout donne lieu de faire du picton assez bon.

Deroo a eu des bans dimanche dernier, il se marie avec une demoiselle de Chassericourt près de Chavanges.

Il y a un grand nombre de personnes qui te souhaitent le bonjour, je ne puis te citer tous ceux qui s’occupent de toi. Je me contenterai nommer la Justot et la Maman Hardy. La classe 1867 va faire un mois à Châlons à partir du 3 septembre.

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