La belle curiosité intellectuelle d’un Troyen d’adoption, Daniel Cherouvrier, ingénieur des arts et métier, nous livre aujourd’hui un regard inattendu sur les mouvements de gauche à Troyes au XIXe. Venu à l’histoire politique à la faveur d’une vraie passion pour les relations sociales, il s’est penché sur un don étonnant : en 1995, Lloyd Wayne Gundy, citoyen américain, offre un ensemble épistolaire à la Bibliothèque municipale de Troyes.
Quarante lettres écrites entre 1855 et 1876 par Ambroise Cottet à son fils Jules Léon, émigré aux États-Unis : respectivement son arrière-arrière grand-père français et son arrière-grand-père devenu américain.
L’échange familial resterait banal si l’un et l’autre n’étaient des figures de la gauche troyenne. Les détails livrés par cette correspondance sont largement liés au milieu politique mais aussi au milieu économique troyen. Le talent de Daniel Chérouvrier est, au-delà de cette correspondance, d’avoir rassemblé en annexe un certain nombre de documents qui constituent une toile de fonds des gauches troyennes au XIXe siècle.
Notamment un annuaire de personnalités qui montrent paradoxalement l’amitié qui lie parfois des hommes de gauche et des patrons établis. Républicain fervent, Ambroise connaîtra deux fois l’exil en Algérie pour son oppostion à Napoléon III. Regardé comme un réprouvé par ses concitoyens, il trouvera un appui solide et durable en Emmanuel Buxtdorf, ingénieur devenu prospère industriel constructeur de métiers de bonneterie.
Deux belles figures
Mais quoi d’étonnant à cette fidélité réciproque ? L’un et l’autre se sont élevés grâce au mouvement d’éducation populaire et sur le terreau des valeurs de la Révolution. Fils d’ouvriers, Ambroise Cottet doit sa solide culture — et sa carrière — à l’enseignement d’Alexandre Leymerie, polytechnicien. Si une soixantaine d’autres figures troyennes dessinent la vie troyenne sous le Second Empire — et ses opposants républicains, socialistes, communistes, utopistes… (voir par ailleurs)-, ces lettres montrent deux belles figures, celles d’Ambroise et de Jules Léon. Le premier restera toute sa vie fidèle à l’idéal républicain. Le second, qui rêvait d’une société nouvelle au sein de la colonie Nauvoo, adoptera avec une belle sincérité son nouveau pays. Jusqu’à se battre deux ans, comme officier, dans les rangs unionistes.
- « Lettres à mon fils -1855-1876 » ou Napoléon-Ambroise Cottet, témoignage d’un intellectuel troyen, républicain et libre-penseur, sur le Second Empire et les débuts de la IIIe République. Édition raisonnée par Daniel Chérouvrier
Est-Eclair et Libération-Champagne
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